jpp de moi

"Abigail elle est serviable"
c'est ce qu'on dit souvent, c'est ce qu'on dit tout le temps. Elle est aimable, serviable et oubliable. En plein milieu d'une fratrie de sept têtes rousses et sans rien pour elle, difficile de vraiment se démarquer. Notes passables, pas de passions, pas grand-chose, juste un boitillement et une tignasse carotte.
ah, ça non plus ce n'est pas très spécial

elle fait cet espèce du petit sourire donc on dit qu'elle est toujours souriante, un rayon de soleil. Ah, peut-être devrait-elle préciser qu'elle n'a juste aucune idée de l'expression qu'elle doit faire pour paraître présentable ? De la gêne, un sourire gêné,
c'est tout ce qu'il y a là, avec cette manie de se gratter les joues.
les gens ne savent pas
mais elle ne sait pas si elle veut qu'ils sachent
elle ne sait rien, jamais

abigail n'est personne, juste la tête rousse du milieu qu'on confond avec tout le monde. "Ah Susan, ça faisait longtemps !", elle secoue la tête, sourire gêné. "Pardon, c'est Abigail". Tout le temps désolée, sans trop savoir pourquoi. C'est comme ça. Ah oui ? Ah bon. Alors on ne peut rien y faire au fond. Elle abandonne vite la rouquine, elle manque de motivation, de convictions. Elle cherche, mais pour le moment pas grand-chose.

alors Abi, elle a décidé d'aider les gens. Juste comme ça. En aidant la petite vieille du coin à traverser, avec du bénévolat, tout ce qu'elle trouve. Pour attirer un peu l'attention, pour avoir l'impression d'être quelqu'un,
juste un peu
et si ça ne marche pas ? alors tant pis
comme toujours

les gens n'ont jamais vraiment fait attention à la rouquine.
Ce n'était qu'une Lenihan de plus, moins douée que ses aînés et moins bruyante que ses cadets, de quoi passer inaperçu très vite. C'est donc une enfance sans événement majeur ni drame que la jeune fille a pu avoir.

à l'école, on l'appelait Weasley, c'était le grand jeu. Mais comme tout, on s'habitue et c'est ce qu'elle a fait, elle s'est habituée. Abigail ne détestait pas l'école, mais ne l'aimait pas non plus, bloquée dans cet entre-deux perpétuel, dans une hésitation qui lui colle à la peau des années après. Ce n'est jamais oui ou non, ce n'est jamais noir ou blanc, ce n'est jamais rien. Alors Abigail n'avait pas vraiment d'amis. Ce n'était pas triste, juste une conséquence comme une autre, c'est ce que la rouquine se répète encore aujourd'hui.

et puis un jour, elle a commencé à aider les autres. Du bénévolat, aider les grand-mères à traverser la route, ce genre d'actions. Ce n'était rien, mais c'était tout.
C'était un moyen de se sentir utile, appréciée, nécessaire. C'était tout ce qu'elle avait en dépit d'avoir beaucoup de compagnie ou de bons résultats sur lesquels se vanter.

c'est à ses quinze dans ce genre de contexte que la rouquine a eu un accident de la route, pauvre petite, pauvre Abigail. Pour une fois, tout le monde s'inquiétait, demandait des nouvelles, lui accordait de l'attention. Et dans son esprit d'adolescente, elle a souhaité ne pas guérir, rester comme ça, rester importante.
Aujourd'hui, quand elle se regarde boiter légèrement, elle regrette d'avoir été immature, comme si ses pensées avaient fait sens à cet instant.

et après ? Pas grand-chose, le quotidien qui revient même si on essaye de le chasser.
Enfin, sauf pour un point, petit ou énorme, Abigail ne sait toujours pas. C'était un déménagement, celui d'un cousin, sans importance pour le coup. En pestant silencieusement contre sa sœur, partie quelque part et son frère, surement dans la cuisine, la voila à devoir monter la moitié des cartons seule dans cette pièce, chambre surement. Et au bout d'un moment, la rouquine s'est simplement adossée contre le grand miroir qui traînait là, le temps d'une pause. Sauf que non. Parce qu'elle est passée à travers le miroir, pour ne pas dire elle s'est croûtée en traversant.

"c'est beau", c'était sa première pensée concernant Mag Mell, les fesses par terre et un carton de livres dans les bras. C'était le parfum de l'aventure, de quelque chose de fantastique et d'inconnu. Deux mois plus tard, passer à travers la glace, c'est devenu son petit plaisir. Son pouvoir, elle l'apprivoise, tente de le contrôler, tout en parlant dans le vide à cet espèce d'ours flottant proche d'elle, sans vrai succès.

et voilà, il n'y a pas beaucoup à rajouter. La rouquine vit sa vie sans trop changer,
s'enfuit à Mag Mell dès qu'elle en a l'occasion, souriant un peu plus. C'est déjà un bon début qu'on dira.

Shari, on ne sait pas qui tu es, mais tu es mystère. Toujours ici sans être là, se mêlant aux foules, se fondant avec le peuple, elle rit et repart d'un pas de danse, démarche légère et aérienne. Du conseil, elle observe, surplombe,
se plait à regarder les gens de haut, comme des fourmis. Un humain lui a expliqué l'expression, une de ses favorites.

Sourire, bonne humeur, presque contagieuse. Shari, toujours en mouvement,
bruyante, sûrement trop, une boule d'énergie, incontrôlable. Elle semble idiote,
peut-être l'est-elle vraiment. Mais les choses vont bien trop souvent dans son sens pour ça. Seul Leliel connaît la réponse et la rosée n'irait pas en parler.

Frustrée, sourire en coin, sourire malsain. Que trouverait-on dans ta caboche si on la faisait rouler sur le marbre dur ? Dualité et pensées contraires. Shari, difficile à lire,
impossible à comprendre, surtout pour elle. Tu es paradoxe, paroles mielleuses et noires idées. Gourmande, toujours à réclamer plus en prétendant n'avoir besoin que du minimum.

Shari dit le mal avec un sourire d'ange, Shari fait le mal avec un visage innocent,
cherchant encore sa part de bon sens. C'est comme ça, elle aime avoir raison.
Shari, aussi froide au fond que son corps gelé, étrange et étranger.

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